Leukos - Chapitre 6

Le silence est retombé d’un coup sur la ville de Mercatopolis.
Noah est seul, devant l’usine. Le jeune peintre s’installe sur une margelle, devant le bâtiment désaffecté, qui s’est effondré sur lui-même après l’échappée de son groupe. Stardust à ses côtés virevolte gaiement. Noah regarde un instant la scène qui lui fait face, calme et tranquille. Il a décidé de profiter de la pleine lune pour rendre hommage à la soirée qu’ils viennent de vivre. Il retire ses outils de son sac, bousculant au passage un Scar qui grogne et se remet en boule à l’intérieur. Ce pauvre petit était si apeuré lors de leur visite dans l’usine, qu’il a passé son temps dans le sac, à trembler. Et il tremble encore.
L’artiste dispose son papier devant lui, il a décidé de travailler sur un format A3. A la lueur blafarde de la lune, il entame les traits fins, qui représentent l’usine devant lui. Peu à peu, le tableau prend forme, et les traits de crayon montrent finalement les silhouettes de quelques pokémons. Mais dans un coin, assez discrète pour passer inaperçu au premier coup d’œil, mais assez bien placée pour attirer le regard par la suite, une autre forme.
Le jeune homme passe finalement à la couleur. Bleu, gris, mauve, noir. Il ne pense pas avoir besoin de plus. Il vide le cinquième de sa bouteille d’eau dans un petit récipient, trempe le pinceau large et le passe, une fois humide, sur la feuille. Quelques ombres s’approchent de lui, et il a le temps de prendre son scope pour voir arriver des pokémons spectres qui viennent observer son travail. Avec un sourire, il reprend sa peinture. Lentement, doucement, l’ambiance qui fait face à l’artiste s’installe aussi dans sa peinture. Les couleurs dévoilent que les pokémons sont des fantominus, polichombrs, brannettes et autres pitrouilles qui jouent au loup, dans une scène à l’aspect onirique. L’homme aux cheveux bleus regarde un instant sa toile, qui n’est terminée qu’à moitié. Finalement, il se penche sur la dernière fraction de papier qui n’a pas été achevée. Il prend beaucoup de précautions, s’applique autant que possible, sur les lignes et les couleurs. C’est la partie du dessin qu’il refuse catégoriquement de rater.

Le jour se lève sur Mercatopolis, et ses premiers rayons de soleil viennent lécher doucement le papier teinté d’aquarelle. Un souffle régulier se fait entendre non loin : Après avoir achevé sa toile à la lueur de la lune, Noah s’est allongé dans l’herbe qui borde la margelle sur laquelle il a travaillé. Sa peluche persian en guise de coussin, Dustie dans le rôle de la bouillotte, et les pokémons spectres qui tiennent lieu de berceuse, il s’est endormi, comme un enfant. Au-dessus de lui, un tableau qu’il a peint, pour représenter, du mieux qu’il pouvait, ce qu’il avait vécu en cette soirée d’Halloween.
Dans la nuit tranquille, des pokémon volent ou sautillent, les uns derrière les autres, dans une ambiance douce et calme. Ils jouent à s’attraper, gaiement. Autour, l’usine sombre fait office de sanctuaire. Bien des enfants prennent ces endroits dangereux pour les meilleurs terrains de jeu.
Alors qu’elle s’apprête à entrer dans le bâtiment, entre deux poutres effondrées et une porte en fer à moitié défoncée par le plafond qui s’est affaissé dessus, brillant d’une légère aura blanchâtre, comme les pokémons qui se tournent autour, une petite fille tend son regard fantomatique vers le peintre. Comme si elle pouvait voir par delà le tableau et percer à jour celui qui la regarde. Son geste est arrêté, sa main est délicatement posée sur la porte derrière laquelle elle a déjà à moitié disparu. Ses longs cheveux blonds flottent derrière elle, et son attitude fuyante laisse entrevoir un « merci » riant échappé de ses lèvres délicates.
Les derniers pokémons spectres de la nuit, penchés sur le tableau, saluent nostalgiquement la petite Camille, dont le fantôme a pu joué pour la dernière fois, et n’errera plus dans l’usine…